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Tania Dutel, l'humour tout cru

Publié le 05/12/2024

Entre anecdotes très personnelles et franc-parler décoiffant, la stand-uppeuse Tania Dutel, originaire de Villefranche-sur-Saône, poursuit son incroyable percée sur la scène française de l'humour. En Madame sans-gêne qui n'a pas peur de choquer, elle se dévoile cash, racontant librement l'intimité dans ce qu'elle a de plus brut. Chez elle, les sujets sensibles servent la cause des femmes et de prétextes à de fulgurantes punchlines. Sexualité, corps féminin, tabous du quotidien et autres moments honteux, tout y passe, que ce soit sur les ondes de France Inter et bientôt en live, à Lyon, à l'occasion de son troisième spectacle, annoncé pour février 2025. Sans doute l'une des meilleures blagues de l'année.

par Iris Bronner

Vous venez de commencer le rodage de votre nouveau spectacle, de quoi ça parle ?

C’est toujours dans la lignée de ce que je faisais avant : il y a beaucoup d’anecdotes personnelles pour que les gens s’identifient au maximum. C’est ce qui me fait le plus rire quand je vais voir du stand-up. Par exemple, j’évoque le fait d’avoir eu la gale avant de débuter le spectacle. Je parle aussi d’honnêteté et du corps féminin, des choses que l’on découvre parfois tardivement. L’humour politique, ce n’est pas mon truc.

Il était déjà question, dans vos précédents spectacles, de sexualité, de vos ex ou de sujets très (très) intimes ? Pourquoi une telle mise à nu ?

Dans mon précédent spectacle, quand je parlais des pertes blanches, je voyais bien que ça dérangeait vraiment des gens. Certains sujets sont tellement tabous que ça peut créer des malaises, et c’était aussi mon cas avant. Mais finalement, je pense que si on parlait tous plus librement, tout irait mieux. D’ailleurs, dans la tête de certaines personnes, parler de sexualité, ça veut dire faire des partouzes toute la journée ; or, ce n’est pas ça du tout : on veut juste plus de transparence. Tant que ces sujets seront tabous, je continuerai d’en parler.

Sur scène, on dit parfois de vous que vous êtes très cash, presque crue. La Tania Dutel de la scène, c’est la même que la Tania Dutel dans la vie ?

C’est la même. Justement, c’est ce que je raconte à travers le sujet de l’honnêteté : je ne comprends pas pourquoi il faut mettre les formes pour parler de certains sujets. Allons-y de but en blanc. Que ce soit dans l’attitude ou dans les anecdotes, rien n’est inventé dans mon spectacle, même si c’est évidemment écrit et condensé. Dès que je pense à un truc que j’ai vécu, je le note dans mon téléphone, je le joue en comedy club, je vois si ça prend, puis je le retravaille en fonction des réactions.

"Je pense que si on parlait tous plus librement, tout irait mieux"

Vous avez une chronique dans l’émission Zoom Zoom Zen sur France Inter une fois par semaine depuis 2022, en quoi est-ce différent de la scène ?

Sur France Inter, le sujet est imposé, on me le donne souvent la veille. Quand les gens viennent voir mon spectacle, 85 % des blagues ont déjà été testées. Et il peut y avoir plus de jeu et de corps avec la scène. À la radio, c’est plus compliqué, les chroniques sont jouées à blanc, on ne sait pas si ça va fonctionner ou pas car on est seulement dans l’oralité.

Comment l’aventure du stand-up a commencé pour vous ?

En 2008, je quittais le Beaujolais et j’arrivais à Paris pour faire un BTS audiovisuel. Un jour, une fille dans ma classe m’a proposé d’aller voir Mustapha El Atrassi qui jouait son spectacle au théâtre le Temple. En le voyant, je me suis dit : “Mais c’est ça que j’ai envie de faire !” Dès le lendemain, je me suis lancée toute seule. J’ai écrit des trucs. Ce n’était pas du stand-up mais de l’humour absurde. J’ai commencé par jouer sur une scène ouverte au Chinchman Comedy Club. À l’époque, tout le monde allait y jouer : Guillaume Meurice, Baptiste Lecaplain, Gaspard Proust... sauf que moi, j’ai galéré pendant des années. J’ai fait des petits jobs, de l’animation dans les TGV, des formations dans les supermarchés, des animations de goûters d’anniversaire, c’était horrible ! J’ai commencé à en vivre en 2016, à partir du moment où je me suis mise au stand-up, et où je me suis dit : “Arrête de penser que tes parents vont venir te voir (rires).”

"Tous les 8 décembre, on peignait des pots de yaourt en verre pour faire des lumignons"

À sept ans, vous faisiez déjà du théâtre dans votre Beaujolais natal…

Oui, c’était dans le village où j’ai grandi, juste à côté de Villefranche-sur-Saône. Une copine m’a dit “tu devrais en faire”, et l’année d’après, j’y étais ! J’ai décidément toujours fait des choses à cause des autres. Je me souviens que j’étais la seule fille qui jouait des rôles masculins. Je jouais des vieillards, ce n’était pas forcément adapté aux enfants mais j’aimais bien. Puis j’ai continué au collège. On écrivait des pièces de théâtre qu’on jouait à la fin de l’année.

C’était chouette votre enfance à Villefranche ?

J’ai plein de bons souvenirs. Tous les 8 décembre, on peignait les pots de yaourt en verre pour en faire des lumignons qu’on déposait aux fenêtres. D’ailleurs, je pensais que tout le monde faisait ça en France mais quand je suis arrivée à Paris, à 19 ans, je me suis rendu compte que ce n’était pas du tout le cas. C’est vraiment un truc de chez nous !

Vous revenez souvent ?

Trois à quatre fois par an. Je profite de ma famille et de la nature. C’est ce qui me manque le plus à Paris. J’ai passé mon enfance à la campagne, sur un vélo ou à jouer dans les prés, donc on fait beaucoup de balades quand je reviens. Il y a le village d’Oingt, pas loin, qui est très joli et que je recommande. Ou le château de Montmelas. Je le voyais de ma chambre quand j’étais enfant. Une partie de la série Kaamelott a notamment été tournée là-bas.

"J’aime beaucoup passer par les traboules"

Vous avez aussi vécu un an à Lyon, quel est votre rapport à la ville ?

J’ai passé un an à l’école de commerce Cefam à l’Upil (Université professionnelle internationale de Lyon, NDLR), l’université René-Cassin. Mais je ne vivais pas à Lyon même et je bossais tous les week-ends au Buffalo Grill de Villefranche-sur-Saône. Je suis peu sortie, j’allais parfois en boîte du côté des quais de Saône. Quand je vais à Lyon aujourd’hui, je ne fréquente pas la vie nocturne. Je retourne surtout dans le Vieux-Lyon parce que j’adore les vieilles villes, je trouve ça magnifique. J’aime beaucoup passer par les traboules et il n’y a pas longtemps, j’ai emmené une amie visiter Fourvière, c’est toujours aussi cool de prendre le funiculaire.

Vous auriez aimé faire plus de scènes à Lyon ?

Quand j’ai commencé à monter sur scène, il y a plus de dix ans, je suis revenue vivre chez mes parents à Villefranche quelques mois. Je voulais jouer à Lyon mais il n’yavait pas grand-chose et je ne
connaissais pas assez de gens sur place pour aller vers les comedy clubs. Je pense que c’était trop tôt à l’époque. Aujourd’hui, j’ai l’impression que ça se développe bien. J’adore le format des comedy clubs car l’ambiance est différente. Les gens ne viennent pas voir un nom, donc on se confronte à un autre public. J’en fais déjà pas mal à Marseille, à Genève ou à Bruxelles. Je pense que je ferai bientôt un tour dans ceux de Lyon…

Biographie

 

Tania Dutel naît en 1989 à Villefranche-sur-Saône à 30 kilomètres de Lyon. Toute petite déjà, la brune s’amuse à faire le clown dans un atelier théâtre de village où elle passera ses 18 premières années. À 19 ans, après une escale lyonnaise, Tania s’installe à Paris. C’est là qu’elle  découvre le monde du stand-up et l’ambiance des comedy clubs. 
Connue pour sa verve sans filtre, elle cultive un style bien à elle, bardé d’anecdotes intimes, honteuses et/ ou dramatiques, tournées avec une autodérision jouissive. Sexualité, vie intime, histoires d’amour ratées... Certaines de ses vannes deviennent incontournables. En véritable étoile montante du stand-up, elle est choisie par Netflix, en 2019, avec trois autres humoristes, pour représenter le stand-up français dans l’émission Humoristes du monde. La même année, elle joue son spectacle à Montréal à l’occasion du plus gros festival francophone : Juste pour rire. En 2022, elle commence la tournée de son deuxième spectacle, Les Autres, et intègre l’émission Zoom Zoom Zen de Matthieu Noël, sur France Inter dans une chronique hebdomadaire, Moi, ce que j’en dis. Actuellement en rodage de son troisième spectacle – qui n’a pas encore de titre précis à l’heure où nous bouclons ces pages –, Tania Dutel sera de retour dans sa région natale les 20 et 21 février 2025, pour jouer sur les planches de la salle Paul-Garcin, à Lyon 1er.

Le carnet d'adresses lyonnais de Tania Dutel

Les Halles Paul-Bocuse
Le fameux marché couvert qui abrite commerces d’alimentation, de produits régionaux, de primeurs, traiteurs et bars-restaurants a la cote chez l’humoriste : « C’est un des derniers lieux où je suis allée à Lyon, on y a déjeuné avec ma famille. J’adore le principe. »
102 COURS LAFAYETTE, LYON 3e
L’Espace Gerson
« Un super café-théâtre pour voir des spectacles. J’y ai joué plusieurs fois. L’année dernière, j’étais en rodage, j’ai fait quatre dates d’affilée et c’était vraiment cool. L’ambiance est décontractée, les gens peuvent grignoter pendant le spectacle. Je recommande ! »
1 PLACE GERSON, LYON 5e
Le Bouillon Croix-Rousse
Dans les bouillons, version parisienne des bouchons que l’on retrouve aussi à Lyon (oui, il faut suivre !), on mange des oeufs mimosa, de la terrine, de la tête de veau ou du baba au rhum. Autrement dit, de la cuisine française traditionnelle. « J’adore ce type de restaurant. On y mange bien et pour pas si cher. Et j’adore le quartier de la Croix-Rousse, on s’y sent bien. »
27 PLACE DE LA CROIX-ROUSSE, LYON 4e
Dikkenek Café
« Je n’y suis jamais allée, mais c’est un lieu de stand-up et de comedy club dont on n’arrête pas de me parler, y compris à Paris, donc foncez ! »
3 RUE D’AUSTERLITZ, LYON 4e
Le Buffalo Grill de Villefranche
Non, non, ce n’est pas une blague. Tania Dutel est profondément attachée à cet établissement :
« J’y ai bossé quand j’étais étudiante à Lyon. Je n’aimais pas forcément ce boulot mais j’adorais mes collègues et l’ambiance. J’avoue, je n’y ai pas mangé depuis longtemps, mais c’est un lieu
qui compte pour moi. »
RUE FRANÇOIS-MEUNIER-VIAL, VILLEFRANCHE-SUR-SAÔNE