Pomme, le fruit d’une époque
Programmée aux Nuits de Fourvière le 26 juillet 2023, Pomme présente son dernier album, Consolation. Opus électro folk aux textes ciselés a le chic pour faire passer du sourire aux larmes quiconque prend le temps de l’écouter vraiment. Il y a d’ailleurs chez Claire Pommet, alias Pomme, à la fois l’espièglerie d’une toute petite fille et la sagesse d’une vieille dame. Follement douée, singulière, touchante, tendre, parfois grave et souvent militante, l’artiste est à Lyon un trésor national, même si elle vit aujourd’hui entre le Québec et la France. Si sa voix envoûte les scènes, elle porte aussi des causes qui lui tiennent à cœur (écologie, cause LGBT+, santé mentale…). Une jeune femme libre à écouter encore et encore, notamment sur la scène du Transbordeur ce printemps.
Notre rencontre avec Pomme
Vous partagez aujourd’hui votre temps entre Paris et le Québec. Si je vous dis Lyon vous pensez à…
Mon enfance et mon adolescence. Lyon, c'est une grosse partie de ma vie et de mon identité. Je dis Lyon mais d’ailleurs c’est plutôt Caluire, où j'ai grandi jusqu’à la fin du lycée. Juste après j'ai déménagé directement à Paris, j'avais à peine 18 ans. Je n’ai jamais eu de vie active ici donc Lyon est plutôt un lieu d'apaisement pour moi. Quand je rentre, je vais chez mes parents, j'arrive à prendre un peu de temps pour moi. Je ne connais pas la vie professionnelle et le stress que peuvent ressentir les Lyonnais et les Lyonnaises au travail mais je pense que c'est quand même un peu moins pire qu'à Paris parce que s’il y a une grosse vie culturelle et plein d'opportunités à Paris je pense que tout ce qui est hyper violent au quotidien l’est encore plus là-bas.
Dans votre dernier album, Consolation, il est beaucoup question d'amitiés féminines, réelles ou fantasmées. Dans la vraie vie vos amis sont encore ici ?
J’ai des amies d'enfance, de très longue date, que je vois à chaque fois que je rentre. Elles vivent toutes à Lyon ou prévoient d’y revenir donc c’est hyper agréable parce que quand je suis là je peux voir tout le monde ! Il n’y a pas grand-chose de changé, il y a comme un truc d'habitude et de confort génial pour moi.
Lyon est aussi la ville des premières scènes, c’est toujours particulier de jouer ici ?
C’est marrant parce que plus les salles sont grandes et moins ça me stresse de jouer à Lyon ! Quand on joue devant 200 personnes et qu’on en connait 30 c'est une sensation étrange, il y a du stress et une certaine pression. Quand j'ai joué aux Nuits de Fourvière, l'année dernière, il y avait énormément de monde, et forcément des gens que je connaissais, mais le pourcentage était plus mince (rires !). Ce qui rend Lyon spécial pour moi c’est aussi que la plupart du temps j’ai déjà vu des concerts, j'ai un passé, des souvenirs, dans les lieux où je joue, comme le Transbordeur (Pomme y sera en concert le 28 mars NDLR). Je me souviens notamment d'avoir fait un concert au Ninkasi juste avant les Victoires de la Musique, en 2020, et c'était hyper spécial pour moi parce que j'y avais vu des spectacles quand j'étais, peut-être en 5e. J’étais trop contente de retrouver cet endroit.
Il y a aussi les Nuits de Fourvière…
Jouer aux Nuits de Fourvière c’était dans ma bucket list ! Cela faisait partie des choses que je voulais absolument faire dans ma vie, dans mes rêves. Fourvière, au-delà, de mes souvenirs à moi, c'est un endroit magique, historique, avec une vue folle sur Lyon. L’année d’avant tout avait été annulé avec le Covid. Le faire finalement en tête d’affiche sur deux dates complètes… ce n’était pas rien comme symbole !
Autre symbole, en 2020, vous avez fait une vidéo de soutien pour la liste Ecologie-Les Verts de Caluire, votre ville natale…
J'aborde souvent des thèmes politisés parce que c'est difficile de ne pas le faire alors qu’il y a tant d’urgences et de choses que j'estime importantes à aborder. Après, dans ce cas précis, c'était aussi parce que ma petite sœur était sur leur liste. Elle m'a demandé de lui donner un coup de main et c’était important pour moi de la soutenir. Pas sûr que je le répète. Il y a des thématiques pour lesquelles j'ai envie de m'engager mais c'est compliqué, en tant qu’artiste, de réussir à se détacher de ce que vont penser les gens, parce qu’il y aura toujours à redire. Parfois, on s'engage pour quelque chose qui nous semble noble et paraît totalement déplacé à d’autres ! J'essaie d'avoir des discours engagés et de parler des sujets qui me tiennent à cœur sans trop rentrer dans la politique… même si cela semble impossible aujourd'hui. On a besoin de gens qui prennent la parole. J’adorerai parler de tous les sujets dont j’ai envie sans être associée à des courants politiques, ou à des personnes qui font de la politique.
Sans parler d’engagement politique, c’est important pour vous de prendre la parole sur des sujets d’actualité ?
J'essaie. C'est viscéral, ce n’est pas calculé, ce sont des pensées qui me passent par la tête, des réactions que je vais avoir comme n'importe quel citoyen ou citoyenne. Je vois passer une info et je me dis, mais ce n'est pas possible. Je sais que ma parole peut avoir une portée et quand j'estime que c’est important, que ça mérite d'être dit, que ça peut avoir un impact alors je le fais. Ce qui est dur c’est que l’on a envie de relayer des milliards de trucs : qu’est ce qui justifie que je relate telle histoire plutôt qu’une autre ? Et puis ça donne aux gens accès à une certaine intimité. Ce n’est pas toujours évident de trouver le bon équilibre. Je n’exprime pas tellement ces idées dans ma musique parce que c'est un espace sacré qui doit, pour moi, rester dénué de cet aspect politique. Quand j'écris ou je compose, je ne pense pas du tout à l'actualité. Par contre, tout ce que je vais exprimer sur les réseaux sociaux, en concert, en interview, là oui ça peut rejoindre tout un tas de causes qui me semblent importantes. Je trouve qu'avoir cette tribune-là, cet espace médiatique, ça ne sert à rien si je n’ai pas un minimum de considération pour les gens qui n'ont pas forcément l'espace pour parler.
Devenir célèbre donne des responsabilités, un devoir de parole ?
C'est presque une pression. Si je ne réagis pas à une information, par exemple parce que je suis en vacances, les gens m’interpellent, me demandent de m'exprimer. Or, je n’ai pas envie de me sentir obligée de réagir à chaque truc qui se passe dans le monde. Il y a quelques semaines j’ai fait un tweet en rapport avec le béluga perdu dans la Seine. J’ai eu un tas de commentaires du genre : ‘tu as de la peine pour un béluga mais pas pour les gens en Afghanistan.’ MAIS… qu'est-ce que vous en savez ? C'est trop bizarre de partir du principe que si on parle de quelque chose c’est au détriment d’autre chose. Il faudrait que je sois irréprochable, une espèce de robot. Or, j’ai des réactions humaines que je partage sur le moment.
Les joies de la médiatisation…
Plus je grandis et moins j'aime les réseaux sociaux. Parce que j'apprends à me protéger et les réseaux sociaux c'est l'inverse, on s’expose. Quand j'étais plus jeune, ça ne me dérangeait pas. J'étais dans un moment de ma vie où j'en avais envie, besoin, mais maintenant je me rends compte qu’il y a des choses qui n'appartiennent qu’à moi. Ne pas être toujours en France ça aide. Je vais au Québec depuis que j’ai 19, 20 ans. J’avais des affinités avec le milieu musical et artistique québécois, je sentais que j'avais une place là-bas. En devenant médiatisée, ça s'est confirmé parce que les gens là-bas n’ont pas du tout le même rapport avec la célébrité. C'est rare que je me sente oppressée au Québec. Déjà parce qu’il y a 70 millions d’habitants en France contre 8 millions au Québec, il y a littéralement plus d’espace. Quant aux réseaux sociaux j’apprends à les gérer, ça permet aux gens d’avoir envie de venir à mes concerts et c’est le plus important pour moi-même si je sais qu'il y a des choses à mettre en place pour que ça se passe bien.
Les réseaux sociaux vous permettent de garder un lien avec votre public ?
Cela n'a pas de sens de faire de la musique si je ne peux pas être en contact avec les gens. J'ai aussi envie que mon projet, ma musique, ma personne restent des entités réelles pas des espèces de rêve, de trucs inaccessibles. Je suis très active, j'essaie de répondre même si, ce que je préfère, ce sont les interactions directes avec le public. Pour moi, la scène doit être un espace de liberté. Les gens peuvent chanter, parfois ils se mettent à crier des trucs et je leur réponds. Pour cet album on a aussi créé une hotline sur laquelle chacun peut laisser un message (il y a eu 3 500 appels dès le 1er jour ! NDLR). Je trouve que c'est trop chouette de pouvoir communiquer autrement que sur les réseaux, de trouver d'autres canaux, d’imaginer d’autres espaces où s'exprimer. Et puis, comme je l’ai dit plusieurs fois ces dernières années quand on me parle de santé mentale c’est souvent plus facile de parler de ses problèmes à quelqu'un qu'on ne connaît pas, même s’il s’agit d’une messagerie.
Dans votre dernier album il est beaucoup question d’enfance – pas toujours tendre- et vous avez travaillé avec l’illustrateur jeunesse Claude Ponti, c’est important de savoir prendre soin de l’enfant en soi ?
En grandissant et en apprenant à me connaître, je me suis rendu compte que la personne que je suis aujourd'hui est très proche de l'enfant que j'étais. J'ai eu toute une période, comme tout le monde à l’adolescence, où j'ai cherché à me connaître j'ai fait des expériences, j'ai vu, j'ai eu des moments difficiles dont j'ai beaucoup parlé dans Les Failles mais j'ai l'impression que grandir, devenir adulte, m’a reconnecté avec la personne que j'étais quand j'étais toute petite, sa simplicité, son naturel : qu’est-ce que j’aime, c'est quoi ma couleur préférée ? Ce que j’aime faire ? Mon animal préféré ? Il y a beaucoup de ça dans l'album Consolation, des cartes postales de l'enfance, une certaine forme d'apaisement, d’acceptation des traumas. Ce n’est pas toujours un album joyeux mais le processus a été beaucoup plus lumineux et ouvert que pour Les Failles. Cet album c’est un peu une réponse aux Failles qui parlaient de mes 19-21 ans. Consolation est l’album de mes 22-25 ans. J’évolue. Je ne sais pas ce qu’il y aura après mais je trouve que sortir de l’adolescence et entrer dans la vingtaine c'était une sacrée expérience.
Ecoutez l'album Consolation de Pomme
Biographie de Pomme
Violoncelliste, guitariste, harpiste, chanteuse, autrice, compositrice, Claire Pommet alias Pomme est née à Décines-Charpieu en 1996 avant de grandir à Caluire-et-Cuire au sein d’une fratrie de quatre enfants, tous passés par le solfège. Longtemps membre du chœur d’enfant La Cigale elle se produit dans les bars du Vieux-Lyon dès ses 14 ans, reprenant les chansons de Lana Del Rey comme elle l’explique dans le podcast qu’elle a animé quelques jours sur France Inter l’hiver dernier.
Après le lycée, elle s’installe à Paris, toute seule, et commence à faire les premières parties d’Asaf Avidan, Yael Naim ou Benjamin Biolay. A 26 ans seulement, Consolation est déjà son troisième album après A peu près (2017) et Les Failles (2019) qui lui a valu d’être récompensée d’une Victoire de la Musique en 2020, catégorie « révélation » puis en 2021 où elle a été élue « artiste féminine de l’année ».
Pomme sera de passage à Lyon le 28 mars pour un concert, malheureusement déjà complet, au Transbordeur.
Le carnet d'adresses de Pomme
La place Bellevue et les Pentes de la Croix-RousseLyon 1er
Le musée du cinéma et des miniaturesJ’y ai passé beaucoup de temps à adolescence parce que j'étais au lycée Saint-Exupéry. Quand tu descends de la place du Gros-Caillou c’est un petit parc avec de l’herbe et une vue, trop belle, sur tout Lyon. Je suis aussi très attachée aux Pentes, si je vais boire un verre, ce n’est jamais bien loin.
60 rue Saint-Jean
Lyon 5ème
Le Festival LumièrePour le quartier Saint-Jean, un de mes préférés pour se promener et parce que je suis fan de miniatures et que je fais moi-même des petites maisons miniatures. Tout ce qui est mini j’adore. Cela explique sans doute ma passion pour les champignons qui sont comme des maisons miniatures (rires !).
www.festival-lumiere.org
Le parc de la Tête d'OrJe ne sais pas s’ils le font encore mais il y avait des nuits entières de projections de films à la Halle Tony Garnier, j’en garde des souvenirs de fête et d’amitié.
Lyon 6ème
Le Comptoir SauvagePour l’espace, la diversité de plantes, d’arbres, l’eau et les rosalies (fameuses petites voitures à pédales NDLR). Ce parc c’est vraiment une oasis dans la ville, un lieu apaisant.
1 rue du Pavillon
Lyon 4ème
J’ai découvert l’endroit récemment, ils font des brunchs végétariens et des plats sans gluten. C'est trop beau et hyper bon.