Dossier Dossier

Lyon toujours dans le game

Publié le 21/02/2024

Si le premier jeu vidéo français n'a pas été créé à Lyon mais du côté de Chalon-sur-Saône, de l'autre côté du Beaujolais, certaines des plus belles pages de cette industrie très florissante ont été écrites entre Rhône et Saône, laissant aujourd'hui encore, des traces et des pixels.

Quand Resident Evil sort en 1996 sur la première PlayStation, le succès critique et commercial est fulgurant. Désigné en 2007 par la publication américaine Game Informer comme « l’un des jeux les plus importants de tous les temps », le titre de Capcom tire au moins deux de ses éléments phares – les angles de caméra fixes et les décors en 2D précalculée – d’une production française, développée à Lyon quatre ans plus tôt : Alone in the Dark. Une création que l’on doit à Infogrames, un studio de développement, d’édition et de distribution de jeux vidéo créé en 1983 par Bruno Bonnell et Christophe Sapet, deux ans tout juste après la sortie en Saône-et-Loire du premier jeu vidéo français : Le Bagnard. Apôtre de la « french touch », aux côtés de sociétés comme Cryo Interactive, Kalisto ou encore Ubisoft, Infogrames fera figure de locomotive pour le jeu vidéo tricolore durant 20 ans. 

Tout bascule en 2003. L’ambitieuse fusion avec Atari, géant américain déclinant, marque le crépuscule de la vie mouvementée du pilier lyonnais. De ses cendres vont néanmoins émerger la plupart des studios qui marqueront ensuite le paysage vidéoludique local : Eden Games puis Ivory Tower, Étranges Libellules ou même Arkane, créé en 1999 par un ancien d’Infogrames, Raphaël Colantonio. Cette dispersion des talents aux quatre coins de l’agglomération va permettre à la capitale des Gaules de rester l’une des places fortes du divertissement inte ractif. Au fil des ans, la ville se structure pour accueillir et encourager la création de jeux vidéo retenant l’attention d’Electronic Arts (FIFA, Battlefield) et de Bandai Namco (Elden Ring, Naruto Shippuden) qui installeront leurs équipes françaises à deux pas, géographiques, des anciens et imposants immeubles-péniches d’Infogrames, dans le 9e arrondissement. C’est ainsi. À Lyon, on préfère faire de beaux jeux dans de beaux lieux : Arkane est installé à La Sucrière et le studio Virtuos à l’Hôtel-Dieu.

Le rapport entre Lyon et le jeu vidéo est désormais profondément ancré dans la culture locale 

Lyon, place forte du jeu vidéo français

De Little Big Adventure à V-Rally, en passant par Dishonored, The Crew, Space Run ou encore Flat Eye, les projets contribuant aujourd’hui au rayonnement du jeu vidéo rhônalpin sont de toutes les tailles. Arkane, qui dispose d’une succursale texane depuis 2006, appartient désormais à Microsoft. Le géant américain lui donne les moyens de réaliser les visions créatives de ses équipes (environ 250 personnes) qu’elles se soldent par des succès, comme Dishonored et Deathloop, ou par des déceptions commerciales comme le récent Redfall. Dans le même temps, des structures comme Monkey Moon (Night Call, Flat Eye) ou RyseUp (Roboquest) s’appuient sur des sociétés externes pour assurer le financement, le marketing ou la commercialisation de titres aux ambitions plus modestes. En cela, l’agglomération lyonnaise est symptomatique de cette industrie aux multiples visages : les artisans débrouillards y cohabitent avec les exécutifs encravatés. Reste que le rapport privilégié entre Lyon et le jeu vidéo est désormais profondément ancré dans la culture locale. Le 10e art est partout : dans les boutiques, les salles de jeux, les bars, les musées et les écoles ! De Bellecour École à Gamagora en passant par Gaming Campus, nombre d’établissements postbac, souvent privés, dispensent aujourd’hui des enseignements liés à la création de divertissements numériques. À l’issue de leur cursus, les jeunes diplômés n’ont plus qu’à frapper aux portes des studios dans lesquels ils ont fait leurs stages. Une filière désormais bien structurée.

Et si le jeu vidéo sauvait le monde ?

Devenu incontournable, comme pratique ou médium audiovisuel et numérique, le jeu vidéo est au cœur du nouveau cycle d’expérimentations des Subs. Invités en résidence, le collectif Sous les Néons et l’artiste Maéva Longvert investissent pour trois semaines la scène du Hangar pour créer un plateau hybride mêlant chercheurs, gamers, concepteurs et artistes. Leur idée ? Mettre le jeu vidéo au service du vivant en imaginant de nouvelles expériences virtuelles de sensibilisation, d’adaptation et de consommation (bien réelle elle), face aux enjeux écologiques. En pratique le public est invité à jouer, participer à des ateliers et des rencontres, profiter de concerts immersifs et de playformances. 

L'agenda jeux vidéos de la saison à Lyon

Trois questions à Sylvain Passot

CEO du studio villeurbannais Passtech Games, son derniers jeu, Ravenswatch est disponible sur PC via la plateforme Steam, en accès anticipé.

Comment avez-vous commencé à travailler dans le jeu vidéo ?

C’était en 2002, à la sortie de mes études. J’ai fait une école d’ingénieurs en informatique et démarré en tant que programmeur à Étranges Libellules, qui a fermé ses portes à la suite de difficultés économiques. À ce mo ment-là, quelques développeurs réussissaient à faire des jeux en indépendants, comme Super Meat Boy ou Braid. J’ai fondé Passtech Games et j’ai commencé tout seul le développement de Space Run. J’étais sûr de savoir com ment fabriquer un jeu vidéo mais créer une entreprise, gérer le budget, vendre le jeu, communiquer… ça, c’était une autre paire de manches. J’ai fait appel à des prestataires pour toutes les parties que je ne maîtrisais pas, comme l’art ou l’audio, et le game designer Adrien Cochet m’a aidé à prendre du recul sur mon travail. Aujourd’hui, on est une vingtaine dans le studio.

Qu’est-ce qui est le plus difficile quand on développe un jeu ?

Réussir à sortir du lot. J’ai l’impression qu’il y a de moins en moins de barrières techniques avec les nouveaux outils, comme le logiciel Unity ou les éditeurs qui sont désormais à la portée de tous. Pour le premier Space Run (2014), il sortait dix jeux par semaine sur Steam. Pour Galaxy (2016), on était à dix jeux par jour. Et pour Masters of Anima (2018), c’était déjà plus de 100 jeux par semaine ! Il faut plus que jamais savoir sortir quelque chose de différent et de quali té, capable de plaire à un public assez large.

Lyon reste le bon endroit pour développer des jeux vidéo ?

Ici, on peut avoir de beaux locaux, un bon art de vivre, une bonne qualité de vie. Une association a été montée par les studios de jeu : Game Only. Elle est très active, très dynamique et ça fait un bien fou. Les studios se parlent un peu plus. Il y a des actions communes, on rencontre facilement les autres personnes qui travaillent dans le secteur. La diversité des tailles de studios, de projets, de style… c’est un truc qu’on avait un peu perdu à une époque et c’est bien de le retrouver.

* Game jam : session de création de jeu en temps limité, souvent sur un thème donné et ouvert à toutes et à tous.
* Accès anticipé: version non finale d’un jeu, commercialisée dans le but de le faire évoluer en fonction des retours de la communauté.
* Game designer : personne qui définit les règles d’un jeu.

Un terrain multijoueur

Au bout de la chaîne, enfin, se trouve le joueur. Or, là aussi, les choses ont largement bougé en 50 ans de consoles. Les salles d’arcade enfumées des années 1990 ont fait long feu. Le Strike de la Part-Dieu a depuis longtemps fermé ses portes et c’est la boutique GameSpirit, spécialisée dans le retrogaming, qui a pris le relais à deux pas de Cordeliers. Plus moderne, La Tête dans les Nuages (Confluence et bientôt Part-Dieu) offre un savant mélange d’arcade, de réalité virtuelle et de jeux de sport. Le jeu s’invite aussi dans les bars sous forme de tournois détendus autour de Mario Kart ou de Smash Bros. Chaque quartier a son QG. Il y a Soif ! ou La Grooverie dans le 1er, l’AFK Bar ou le Livestation DIY dans le 7e. Entre les deux, impossible de manquer les nombreux « graff gaming » qui ornent les rues de la ville. Murs et bitume regorgent des pixels de l’incontournable Space Invader et de Mario déguisé en légendes de la culture populaire (Obélix, Goldorak, Dark Vador…) par le street-artiste lyonnais In the Woup. Les événements sont aussi de la partie : Playformances (expositions et performances) au théâtre de l’Élysée, concerts symphoniques à l’Auditorium, Pac-Man géant à la Fête des Lumières, vide-greniers geek, compétition de eSport ou game jam organisée par Game Dev Party… Il y en a chaque mois pour tous les goûts et tous les styles, preuve s’il en faut qu’à Lyon on est joueur. Alors, prêt à entrer dans la partie ? 

La Tête dans les nuages
Notre conseil pour survivre à un après-midi dans ce temple du divertissement ? N'oubliez pas vos bouchons d'oreilles !

Centre Commercial Confluence
112 cours Charlemagne, Lyon
www.latetedanslesnuages.com
Soif!
Commandez un verre de vin et un adversaire pour Street Fighter
4 Rue Terme, Lyon 1er