Beaujolais, le renouveau
Facile d’accès, gourmand, verdoyant et parsemé de charmants villages de caractère, le beaujo sort le grand jeu pour attirer au coeur de ses campagnes et de son vignoble. Reportage.
Par Audrey Grosclaude
Il fut un temps, pas si lointain, où les Lyonnais boudaient facilement le Beaujolais, préférant la Bourgogne et la vallée du Rhône rayon vins ; la Drôme, l’Ardèche ou la Savoie, au moment de partir en week-end. Tout a changé.
Dans les vignes d’abord. À la faveur d’un renouvellement de génération, du changement climatique et de l’installation de jeunes vignerons portés par l’ADN nature du territoire, le vignoble a fait sa mue et changé de peau. Au point de réinstaller sa production, ses 12 appellations et ses 10 crus (Saint-Amour, Juliénas, Chénas, Moulin-à-vent, Fleurie, Chiroubles, Morgon, Régnié, Côte-de-Brouilly et Brouilly) dans toutes les caves et sur les bonnes tables du monde entier. Certes, les festivités autour du beaujolais nouveau, chaque troisième jeudi de novembre, participent encore largement à la promotion de la destination tout autour du globe mais elles sont désormais la bouteille qui cache la forêt, les châteaux, les monts, les villages en pierres dorées, les lacs et le patrimoine géologique du Géoparc mondial, label de l’Unesco.
Bordé par la Bourgogne au nord, Lyon au sud, la Loire à l’ouest et l’Ain à l’est, le Beaujolais a la cote et ça se voit. « Nous sommes convaincus que le Beaujolais présente tous les ingrédients d’une destination touristique de premier ordre », insiste Thomas Desmurs, directeur général de Destination Beaujolais. Premier avantage non négligeable pour le territoire : sa facilité d’accès. Pas moins de trois lignes TER traversent le Beaujolais vert et son fameux lac des Sapins, le Beaujolais des Pierres Dorées, les alentours de Villefranche-sur-Saône et le Beaujolais des crus ou Haut-Beaujolais.
C’est là que se concentre la majeure partie des domaines de l’association Châteaux en Beaujolais. Un collectif créé en 2022 qui rassemble dix châteaux remarquables pour la qualité de leurs vins et de leur patrimoine historique. Parmi eux, le château de Champ-Renard, à Blacé.
Une terre d’arts et d’histoire
Superbe demeure néo-Renaissance édifiée au XIIIe siècle, mais largement remaniée au fil du temps, le château de Champ-Renard a été racheté en 2014 par un couple d’entrepreneurs lyonnais, Fabienne Vilain et Denis Garnier. Convaincus par le potentiel du site, ils ont ranimé le domaine viticole et développé de toutes pièces une offre oenotouristique incluant accueil d’événements, séminaires, ateliers dégustation et hébergement : « On est tombés amoureux fou de la région et Champ-Renard est venu à vous. C’est un coin extraordinaire avec des paysages superbes et une architecture magnifique. Je suis encore étonnée lorsque je croise des Lyonnais n’ayant jamais visité le Beaujolais, mais ça bouge », détaille Fabienne Vilain. Avant elle, l’entrepreneur lyonnais Jean-Claude Lavorel avait ouvert la voie, rachetant en 2012 le château de Bagnols, célèbre pour avoir abrité un dîner du G7 en 1996 puis les vacances du couple hollywoodien alors formé par Tom Cruise et Nicole Kidman, en 1997. Le lieu, devenu un hôtel-spa 5*, est aujourd’hui l’un des fleurons du groupe Lavorel, lequel compte également le proche domaine viticole du château des Ravatys, à Saint-Lager. À Odenas, c’est un autre Lyonnais, l’homme d’affaires Christophe Gruy, qui a racheté le château de La Chaize en 2017 pour redonner toute sa splendeur à la bâtisse du XVIIe siècle, dessinée par Jules Hardouin-Mansart et aux jardins signés André Le Nôtre.
Classé monument historique, le site est aujourd’hui au centre d’un ambitieux projet de transformation visant à faire du domaine un modèle d’écoresponsabilité. D’autres ont suivi depuis, découvrant ou redécouvrant les trésors géologiques, les randonnées panoramiques (mont Saint-Rigaud, mont Brouilly, terrasses de Chiroubles…), le charme de villages pittoresques comme Oingt, Theizé, Ternand, Clochemerle ou Beaujeu et la magie de décors naturels préservés, plantés de vignes et de forêts.
« Le dépaysement est immédiat »
Avant même la pandémie de 2020, certains avaient fait le choix de s’installer dans sa partie la plus méridionale, attirés par la desserte du territoire, les prix attractifs de l’immobilier, la qualité de vie et celle des services (santé, éducation…). Entre 2015 et 2021, la communauté de communes Beaujolais Pierres Dorées (CCBPD) était ainsi la troisième intercommunalité de la région Auvergne-Rhône-Alpes à avoir attiré le plus d’habitants. Un dynamisme qui booste l’économie locale et le tourisme d’affaires.
Le business se met au vert
« Il y a un énorme potentiel de développement pour le tourisme d’affaires dans le Beaujolais. Le dépaysement est immédiat et les accès, en voiture ou en train, très rapides. C’est idéal pour sortir de Lyon », détaille Céline Paravy-Atlan, la fondatrice de Ma Pièce, collection de maisons d’hôtes pour entreprises qui a ouvert en mars dernier sa première adresse beaujolaise à Lachassagne, avec Christian Donzel et Laurent Fiard, dirigeant de Venues For Network et Visiativ : « Nous avons organisé une quarantaine d’événements en trois mois en nous appuyant sur un écosystème bienveillant et très actif, que ce soit au niveau du Club Tourisme d’Affaires, des restaurateurs, des artisans (boulangerie Lachassagne, brasserie Domaine du Manchot…) ou des vignerons. » Un accueil chaleureux également salué par Jean-François Périer-Têtedoie qui vient d’ouvrir, à Anse, le Café Terroir chez Saint-Cyr. « Nous sommes arrivés avec beaucoup d’humilité, en écoutant les attentes et en expliquant notre démarche mais c’est finalement assez naturel de nous implanter ici. Le Café Terroir a été créé dans l’optique de valoriser le terroir ; or c’est exactement ce que l’on fait dans le Beaujolais. » Pour le plus grand bonheur des Lyonnais qui n’y boudent plus leur plaisir.
Agenda
Les Vendanges Musicales
Créé en 2014, le petit festival de musique de Charnay est devenu un rendez-vous incontournable.
Annoncés cette année ? Matmatah, Julien Granel, Henriette, Bon Entendeur, Ezza...
Les 19, 20 et 21 septembre 2024.
lesvendangesmusicales.fr
Festival Nouvelles Voix
Dédié à la jeune création de chansons, le festival Nouvelles Voix fête ses 20 ans en organisant deux semaines de concerts dans une dizaine de lieux. Du 8 au 19 octobre 2024.
theatredevillefranche.com
Beaujolais Days
Parmi les nombreuses festivités organisées dans tout le Beaujolais et jusqu’à Lyon lors des Beaujolais Days et du beaujolais nouveau, ne pas manquer Les Sarmentelles de Beaujeu, avec marché gourmand, soirée de mise en perce, dégustations et bal dansant.
Du 20 au 24 novembre 2024.
beaujolaisnouveau.fr
Vente aux enchères des hospices de Beaujeu
Les 29 et 30 novembre 2024, Beaujeu accueillera la 212e vente aux enchères de ses hospices, ressuscitant la plus ancienne vente de charité du monde ! Relancé par le groupe Hôpitaux Nord-Ouest, la maison bourguignonne François-Martenot et la cave coopérative Vinescence, l’événement comptera une cinquantaine de lots, de formats et de millésimes divers. Les bénéfices de la vente, ouverte à tous, serviront à financer la création d’un jardin thérapeutique. Avec aussi des dégustations des vins du Domaine des Hospices et la visite de la superbe apothicairerie.
maisonfrancoismartenot.com
hno.fr/ventes-hospices-beaujeu
Marathon du Beaujolais
Le marathon du Beaujolais, la plus grande course de running festive de France, fête le 23 novembre 2024 son 20e anniversaire. L’occasion pour les organisateurs de voir les choses en grand avec encore plus de participants (25 000 !), de surprises et d’animations le long d’un parcours de 42 km ponctué de 15 dégustations et 9 ravitaillements. Options 21 km, 13 km, 7,5 km avec Courir pour Elles et 2,5 km pour les familles.
marathondubeaujolais.org
Trois questions à Fabienne Vilain
Présidente de l’association Châteaux en Beaujolais et propriétaire du Château de Champ-Renard, à Blacé.
Châteaux en Beaujolais rassemble une dizaine de châteaux réunis autour d’un concept de visites guidées mêlant patrimoine et découverte du vin, comment cela a commencé ?
« L’association a été créée en 2022 à l’initiative du château de Corcelles et de celui de La Chaize. Nous étions nombreux à penser que les châteaux du Beaujolais n’étaient pas assez mis en valeur dans leur double vocation viticole et patrimoniale. C’est ce qui nous a poussés à réfléchir ensemble à la création d’un carnet de route collectif. Toute la particularité de Châteaux en Beaujolais est de travailler simultanément sur le vin et le patrimoine pour accompagner la montée en gamme de nos vins mais aussi valoriser la région, son bâti, l’histoire et l’identité de nos châteaux, tous distincts, datés d’époques et d’architectures différentes.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, c’est aussi un concept inédit…
Il y a des routes des vins et des châteaux en Bourgogne, mais elles concernent plutôt la partie viticole. À l’inverse, les férus d’histoire connaissent bien les châteaux de la Loire, mais ils sont déconnectés du vignoble. Châteaux en Beaujolais fait la promotion des deux. Ce que nous proposons, ce n’est pas une simple visite ni une dégustation mais une immersion dans la vie du château avec son propriétaire ou quelqu’un du domaine. Nos visites durent d’une à deux heures et donnent accès aux particularismes de chaque château, le potager et le jardin du château de La Chaize, les caves du château de Juliénas, les pièces intérieures à Corcelles ou Champ-Renard, des visites costumées et théâtralisées au château de Nervers…
Chaque domaine propose donc son propre format de visite ?
L’oenotourisme était déjà bien implanté dans la plupart de nos châteaux, mais nous avons créé un cahier des charges permettant de garantir un maximum de cohérence pour nos visiteurs.
Par exemple, toutes nos visites, réservables en ligne, peuvent être réalisées en français ou en anglais. Nous sommes ouverts en moyenne cinq jours par semaine, y compris le week-end, et posséder le carnet de route donne accès à des avantages d’un château à l’autre. L’autre particularité, c’est d’accepter et même de privilégier les tout petits groupes. Cela permet de créer de la proximité et des moments de partage vraiment privilégiés. »
Propos recueillis par Audrey Grosclaude
chateauxenbeaujolais.fr
Portraits
Caroline Briel, tendre Calade
Née à Villefranche-sur-Saône, Caroline a grandi près de Blacé. « Mes grands-parents étaient viticulteurs, j’ai passé mon enfance à parcourir les chemins et à construire des cabanes en imaginant comment je pourrais les décorer. C’est aussi dans le Beaujolais que j’ai réalisé mes premières photos avec l’appareil de ma maman. »
Après les Beaux-Arts et les Arts appliqués, Caroline s’installe à Lyon durant dix ans. Là, elle enchaîne les récompenses, les collaborations avec la presse et l’édition, ou encore les shootings pour des marques prestigieuses, comme Fermob ou Petit Bateau, qu’elle met en scène dans son Beaujolais natal, créant des décors champêtres, tendres et spontanés qui font aujourd’hui encore le succès de ses collections de cartes postales. Grande amoureuse de la nature, elle capture sur son compte Instagram (@cinqmai_shop) la magie d’un rayon de soleil, les herbes folles chahutées par le vent ou le sourire de ses enfants, célébrant avec douceur les moments de grâce du quotidien. Un hymne à la joie des plaisirs simples porté par le rythme des saisons caladoises.
21 Grande Rue de la Guillotière, Lyon 7e
Jean-François Périer-Têtedoie, 100 % Terroir
« Que ce soit au Café Terroir ou au Café du Peintre, tenu par ma mère et mon frère, nous avons toujours travaillé avec le Beaujolais et ses vignerons. Beaucoup sont devenus bien plus que des clients. C’est le cas de Raphaël Saint-Cyr qui nous a sollicités au moment de transformer l’épicerie La Galoche, à Anse. »
Vrai bistrot dans les vignes, le Café Terroir chez Saint-Cyr a ouvert au début de l’été.
On y retrouve les fondamentaux du Terroir, oeufs à la coque, escargots en persillade des monts du Lyonnais ou volaille de Bresse au vin jaune et morilles, mais aussi des suggestions du jour au format bistronomique réalisées par le chef Maxime Tranier, comme l’os à moelle et le tartare de veau à la crème d’ail ou le loup de mer, chutney de tomate et pastèque caramélisée.
Le tout s’arrose des flacons du domaine ou d’ailleurs, la belle carte des vins ayant été pensée par Raphaël Saint-Cyr lui-même. Ambiance conviviale et vue bucolique à souhait.
cafeterroir.fr
Jean Boggio, à l’école du « Boggiolais »
On avait laissé Jean Boggio à Lyon, en 2021, invité exceptionnel d’une expo-carte blanche au musée des Tissus, malheureusement perturbée par les restrictions sanitaires. On le retrouve chez lui, dans son « Beaujoland » chéri depuis 30 ans, plus exactement dans le hameau de Saint-Joseph, à Villié-Morgon. Pour qui a lu Anéantir de Michel Houellebecq, le lieu comme la maison de l’artiste présentent de troublantes similitudes avec le roman... Pourtant, les deux hommes ne se connaissent pas. Même si Jean Boggio, joaillier-orfèvre et chineur, a eu mille vies, travaillant pour Daum, Baccarat et les Émaux de Longwy, oeuvrant aussi bien pour des soyeux que de riches collectionneurs amoureux de ses fantasmagoriques bagues-palais. En 2023, il a créé avec quelques amis l’Association des Amis de l’École du Beau avec l’idée d’ouvrir sa maison, un ancien pensionnat du XIXe siècle, au public, aux résidences artistiques et aux visites. Dans l’esprit de l’hôtel d’Agar à Cavaillon. Si l’ouverture officielle du site est repoussée à l’automne prochain, n’hésitez pas à prendre contact avec l’hôte des lieux pour jeter un oeil aux pièces déjà terminées, il ouvre facilement sa porte…
@jeanboggio