Lala &ce, rappeuse Grand Chelem
Encore inconnue il y a peu, sauf du milieu hip-hop underground, la villeurbannaise Lala &ce est partout, notamment depuis la sortie de son premier album, Everything Tasteful, en janvier.
Propulsée nouvelle étoile du rap Français, égérie pour de grandes Maisons de couture, elle dessine les contours d’un nouveau modèle féminin pile dans l’air du temps.
Des Charpennes aux pages mode de vogue, retour sur un début de carrière aussi fulgurant qu’un service gagnant.
C’était comment votre enfance à Lyon ?
Je suis née à Bron et j’ai grandi à Villeurbanne. J’habitais dans un appartement à Charpennes avec mes parents et quatre de mes sept frères et sœurs. J’allais à l’école à Gratte-Ciel. Au lycée, changement d’ambiance, j’étais à Édouard-Herriot dans le 6e arrondissement. J’avais demandé à faire chinois pour me retrouver dans une école un peu mieux.
Quel genre de petite fille étiez-vous ?
J’avais de bonnes notes, mais je traînais avec les perturbateurs. Certains profs n’aimaient pas trop ça. Ils pensaient que je pouvais pousser la classe mais ce n’est pas ce que je faisais.
Et à l’adolescence ?
J’étais cool. Comme j’allais dans un lycée de bourges, j’ai commencé à découvrir d’autres choses, à sortir, boire des coups... J’ai ramené mes amis d’avant dans ce milieu, c’était marrant pour eux de voir autre chose. Après, je suis allée à la fac, à Lyon 3, en sciences de gestion, spécialité finance. Puis je suis partie à Londres faire ma dernière année de licence, je venais de perdre mon père. Je suis restée, j’ai travaillé dans un bar et j’ai fait de la musique. Cette période m’a beaucoup appris sur moi-même et musicalement.
Quelle musique écoutiez-vous à l’époque ?
J’écoutais beaucoup Missy Elliott, T-Pain, Kanye West, Lil Wayne... Des Américains un peu précurseurs dans leur genre.
C’est Adel, mon meilleur ami, qui a fait ma culture musicale.
Quand avez-vous commencé à faire de la musique ?
J’ai fait mon premier son au collège. Sur l’ordi de mon père, j’ai trouvé un logiciel, Audacity, téléchargé une « instru » et enregistré ma voix dessus. Après, j’ai un peu laissé tomber. Je m’y suis remise au lycée. À cette époque, j’ai rencontré sur Facebook des gars qui faisaient du son tous les jours. C’était du rap un peu bizarre. Ils s’appelaient LTRT et dedans il y avait Jorrdee. Ensuite, à la fac, j’ai rencontré le collectif667. Je faisais du son, on aimait les mêmes choses. Notre lien s’est fait par la musique et on est devenus amis.
Vous alliez voir des concerts ?
Non, on écoutait surtout de la musique sur internet. Une fois on est allé au DV1 pour voir un concert de Grems, que j’écoutais beaucoup, mais ils nous ont recalés parce qu’on n’avait pas nos cartes d’identité !
Vous vous souvenez de votre première scène à Lyon ?
Oui, c’était au Sucre en 2016, pour le concert de mon ami Jorrdee. On jouait en première partie de Brodinski. Puis en 2017 au Ninkasi Kao avec mes potes du collectif667. J’étais excitée déjà. Je ne suis pas forcément très extravertie dans la vie mais sur scène, je me sens bien, à l’aise.
Le 25 mai*, vous serez curatrice de la Nuit1 aux Nuits sonores. Vous connaissiez ce festival ?
Quand j’étais petite, c’était le festival que tout le monde attendait. J’y suis allée une fois. C’était au Marché Gare et dans mon souvenir, ça me paraissait super grand ! Il y avait Laurent Garnier et un groupe de rap, Mos Def (en 2013, NDLR). J’allais aussi souvent au Double Mixte voir des artistes électros. J’écoutais beaucoup Ed Banger, Justice, SebastiAN, Mr Oizo, toute cette scène.
* De retour du 25 au 29 mai le festival de musiques électroniques Nuits sonores a donné carte blanche à Lala &ce pour la programmation de la Nuit 1, le 25 mai.
C’est la première fois dans l’histoire du festival qu’une artiste lyonnaise est choisie comme curatrice, de plus avec une esthétique rap. Comment avez-vous réagi lorsqu’on vous l’a proposé ?
J’étais aux anges ! Après, j’ai commencé à me demander qui j’allais ramener. J’ai envie de faire un bon mix entre rap français nouvelle génération, avec La Fève et Rad Cartier par exemple, et des DJ comme Bamao Yandé. Et aussi la chanteuse nigériane Midas The Jagaban qui n’est pas forcément dans l’esprit électro des Nuits sonores mais qui est le genre musical que j’écoute.
Comment gérez-vous votre notoriété ?
Ça va. Ma notoriété entre guillemets, elle monte étape par étape j’ai l’impression. Je travaille, je sors des trucs. Et j’ai autour de
moi des gens en dehors de ce milieu qui me font garder les pieds sur terre.
Les membres de votre famille ?
Oui, ils sont à fond maintenant, mais ce n’était pas le cas au début, au contraire ! Ma mère surtout se disait : «Qu’est-ce qu’elle fait ?» Elle est arrivée de Côte d’Ivoire quand elle avait 30 ans et a rencontré mon père ici. Elle est éducatrice de jeunes enfants donc ça peut lui faire peur que sa fille devienne chanteuse. Il n’y a rien de sûr dans ce métier.
Vous revenez souvent à Lyon ?
Oui, le plus possible. Pour voir ma mère et mon meilleur ami, Adel. Il travaille chez Maersk, rien à voir, mais il est très cultivé
musicalement. Il kiffe mon parcours. Dès que j’ai un nouveau son, je lui envoie, on en parle, on échange.
Est-ce que vous vous sentez encore Lyonnaise ?
J’ai oublié pas mal de trucs, je cherche les noms des rues quand je veux aller quelque part. Mais quand je rentre, je me sens chez moi.
Biographie
À 27 ans, Mélanie Berthinier aka Lala &ce (prononcez « esse ») en hommage à sa grand-mère ivoirienne, Lahoré, et à Serena
Williams, la reine du service gagnant (ace), vient de sortir son premier album, Everything Tasteful.
Avec sa diction tout en « transe calme » et sa longue silhouette androgyne, elle assume et joue de sa voix boudeuse dans ses clips, revisitant les codes du rap game.
Cochant toutes les cases de la hype, l’artiste séduit également les grandes marques de luxe. Mannequin dans le défilé digital Mugler, égérie de la nouvelle collection Kenzo et pour Burberry et Moncler aux côtés de sa mère, Lala &ce « bosse vite, vite »
comme elle le chante dans son dernier single, Toxic.
Le carnet d'adresses à la lyonnaise de Lala &ce
Les collines
« J’adore les vues en hauteur de la Croix-Rousse et de Fourvière. J’aime bien aller à Fourvière, ma grand-mère habite là-bas. »
Esplanade de Fourvière, Lyon 5èmeEsplanade du Gros-Caillou , Lyon 4ème
La place Edgar-Quinet et l’église Saint-Pothin
«Quand j’allais au lycée Édouard Herriot, on traînait dans l’espèce de square en face, sur la place, et on se calait sous l’église
pour faire des bêtises.»
Les Poupées Russes
« J’étais souvent à Hôtel de Ville pendant mon temps libre, vers Opéra, la place des skateurs (place Louis-Pradel, NDLR). Plus haut, il y a un bar qui s’appelle Les Poupées Russes, on y allait tout le temps. On connaissait le fils de la famille qui tenait ce bar. On buvait des shooters gratuits. »
Asul Tennis Club à Cusset
« J’ai joué au tennis en club à Cusset. J’avais des entraînements toutes les semaines, il y avait des balles à passer, comme les ceintures en karaté, j’étais à fond ! »